04/05/2015

Upcoming hearings - Week of May 4, 2015


MAY 1, 2015

Declinatory motion in favour of arbitration – Unanimous shareholder agreement – Oppression – Dismissal – Intellectual property
Ferreira v. Tavares (C.A.M. 500-09-024942-146), appeal from Tavares v. Ferreira, 2014 QCCS 6046.

MAY 4, 2015

AdUnknown address – Service (by newspaper) – Retractation
Mercier v. Bell Canada (C.A.M. 500-09-024838-146), appeal from Bell Canada cv Mercier, 2014 QCCQ 11342.

MAY 5 AND 6, 2015
Defamation – Investigative journalism – Private dispute (hidden defect) – Public interest – Bias in favour of the victim – Motion to strike allegations and evidence not filed in the first instance

Société TVA inc. v. Nicole (C.A.M. 500-09-024037-137), appeal from Marcotte v. Société TVA inc., 2013 QCCS 5110.

MAY 6, 2015

Hidden defect – Real estate agent – Knowledge of the defect
Laframboise v. Boisclair (C.A.M. 500-09-023894-132), appeal from Boisclair c. Désormeaux, 2013 QCCS 3965.

Intermediary in charge of selling movable property – Consignment contract vs. Instalment sales contract vs. contract of deposit vs. sui generis contract – Personal suretyship
Gestion Alexis Dionne inc. v. OHM Mobilier inc. (C.A.M. 500-09-024080-137), appeal from Gestion Alexis Dionne inc. v. OHM Mobilier inc., 2013 QCCQ 13216.

Sollicitor being condemned to costs – Procedural abuse
Appeal from 12 decisions, amongst which is Couture v. Chapdelaine, 2013 QCCS 4661.

01/05/2015

Auditions à venir - Semaine du 4 mai 2015


1er mai 2015

Renvoi à l’arbitrage – Convention unanime d’actionnaires – Oppression – Congédiement – Propriété intellectuelle
Ferreira c. Tavares (C.A.M. 500-09-024942-146), appel de la décision rendue dans Tavares c. Ferreira, 2014 QCCS 6046 où la Cour supérieure avait conclu que :
« [14]        Le Tribunal fait sienne la jurisprudence constante voulant que les parties ne puissent saisir un arbitre d'un recours en oppression qu'en présence d'une clause compromissoire explicite dénotant leur intention claire de renoncer à leur droit à l'obtention d'un redressement en cas d'oppression en vertu de l'article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. En l'instance, l'article 26 de la Convention ne comporte pas une telle renonciation. »

4 mai 2015

Adresse inconnue – Signification (par journal) – Rétractation de jugement
Mercier c. Bell Canada (C.A.M. 500-09-024838-146), appel de la décision rendue dans Bell Canada c. Mercier, 2014 QCCQ 11342 où la Cour du Québec avait retenu que :
« [14]        Ici, le défendeur se plaint de ne pas avoir reçu signification de la requête introductive d’instance. Il ajoute ne pas lire ce journal Le Droit qui circule dans la localité de Chelsea. D’ailleurs, le défendeur réside maintenant à Cantley.
[…]
[19]        Si le défendeur n’a pas reçu signification de la requête introductive d’instance en main propre ou par la poste, c’est qu’il n’avait pas fourni sa véritable adresse. Vraisemblablement, il n’avait pas l’intention d’être localisé. Qu’il suffise de regarder la poursuite aux Petites créances intentée deux ans après l’incendie, alors qu’il utilise toujours l’adresse d’un terrain où aucune bâtisse n’y est érigée. »

5 MAI 2015

Diffamation– Journalisme d’enquête – Litige privé (vice caché) – Intérêt public – Biais du reportage en faveur de la victime – Radiation d’allégations et retrait de pièces non produites en première instance
Société TVA inc. c. Nicole (C.A.M. 500-09-024037-137), appel entendu les 5 et 6 mai 2015. Appel de la décision rendue par la Cour supérieure dans Marcotte c. Société TVA inc., 2013 QCCS 5110. La décision que rendra la Cour d’appel est susceptible de changer notre paysage télévisuel, si on se fie au libellé de la décision de première instance :
« [77]        En somme, il a joué la victime pour tenter de convaincre J.E., ce qu'il a réussi à faire, d'utiliser son histoire banale et essentiellement privée, pour en faire une affaire d'intérêt public.
[…]
[84]        Il faut se souvenir qu'autant le droit à l'information du public est important, autant le diffuseur et ses journalistes ont la responsabilité de présenter des faits objectifs et prouvables qui ne risquent pas de dénaturer la nouvelle ou l'enquête et de tromper, pour des motifs sensationnalistes, le spectateur. La ligne est souvent mince entre l'objectivité et le sensationnalisme qui fait, faut-il le rappeler, vendre du temps d'antenne à des publicitaires en fonction du nombre de spectateurs atteints.
[85]        Tout le monde connaît les émissions d'enquêtes, à commencer par les grandes émissions américaines d'il y a 30 ans ou plus, dont le célèbre « 60 minutes »! Ici, on connaît la popularité de J.E., celle de « Enquête » ou de « La Facture » de Radio-Canada depuis longtemps. Ces émissions sont suivies attentivement par un nombre considérable de téléspectateurs à qui on dévoile souvent des cas de fraudes, d'escroquerie, de détournement ou d'abus. C'est un « tribunal » public (certains parleront de « lynchage » ou d'inquisition) où les participants sont souvent blancs (victimes) ou noirs (escrocs, etc.), sans droit de regard et sans possibilité de se défendre.
[86]        Et dès que cette opinion du public s'est faite, souvent à partir d'informations tronquées, triées et sélectionnées pour attirer l'attention en quelques minutes, le verdict est cruellement définitif pour ceux qui sont visés…puis les gens passent à autres choses!
[87]        Le tribunal se croit permis d'ajouter en passant que l'avenir ne sera pas plus rose, bien au contraire! On parle de plus en plus d'une autre forme de tribunal public encore plus dévastateur : les célèbres réseaux sociaux qui, en quelques minutes, peuvent soulever les passions…et même amener la déchéance des gouvernements. Gare à ceux qui en sont les victimes ou les proies! »

6 MAI 2015

Vice caché – Agent immobilier – Connaissance du vice
Laframboise c. Boisclair (C.A.M. 500-09-023894-132), appel de la décision rendue dans Boisclair c. Désormeaux, 2013 QCCS 3965, où la Cour supérieure avait notamment conclu que :
« [141] Ainsi, [l’agent immobilier] connaissait la situation. Un agent immobilier normalement diligent aurait considéré que ces éléments constituaient un facteur significatif, susceptible d'influencer d'éventuels acheteurs dans leur décision. 
[142]  En omettant de s'assurer que sa cliente […] les divulgue, il contrevient à son obligation de renseignement et de loyauté.  Il commet une faute civile. 
[143]  S'il avait exigé que sa cliente informe les acheteurs, les dommages n'auraient pas été encourus. Sa faute a donc contribuée aux dommages.
[…]
[145]     Sauf pour les dommages punitifs, cette solidarité est solidaire entre eux et avec [la vendeuse], puisqu'il est impossible de déterminer laquelle des fautes a effectivement causée le préjudice. »

Intermédiaire chargé de vendre des meubles – Contrat de consignation vs. contrat de vente à tempérament vs. contrat de dépôt vs. contrat innommé – Cautionnement personnel
Gestion Alexis Dionne inc. c. OHM Mobilier inc. (C.A.M. 500-09-024080-137), appel de la décision rendue dans Gestion Alexis Dionne inc. c. OHM Mobilier inc., 2013 QCCQ 13216, où la Cour du Québec a retenu que :
« [31]  Le Tribunal partage l’opinion émise par la Cour d’appel dans Entreprises Piertrem (1989) Inc. c. Pomerleau, Les Bateaux Inc., soit qu’il s’agit d’un contrat innommé dont les termes sont contenus dans la convention. […]
[…]
[52]  Le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que le contrat est ambigu quant au cautionnement. Puisque le contrat émane de la demanderesse, elle ne peut adresser de reproche aux défendeurs.
[53] De plus, la preuve est nettement contradictoire à l’effet que Dionne a dirigé l’attention des défendeurs Harmant et Noël à la clause du cautionnement. Il dit que l’unique raison pour laquelle il a préparé ce contrat, était pour obtenir leur engagement personnel; or, lorsqu’il transmet une copie du contrat[18], il ne fait aucune référence à cette clause du contrat. Plus précisément, dans son courriel du 7 juin 2011, Dionne mentionne qu’une entente doit être signée pour refléter leurs arrangements (paiement, conditions, prix, etc.) pour éviter tout malentendu. Aucune référence n’est faite au cautionnement personnel.
[…]
[55]  Le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que les défendeurs Harmant et Noël ne se sont pas personnellement engagés envers la demanderesse. »

Condamnation d’un procureur au paiement des dépens – Abus de procédure
Appel de la décision rendue notamment dans Couture c. Chapdelaine, 2013 QCCS 4661 où la Cour supérieure rejetait 12 requêtes pour bref de prohibition et condamnait le procureur qui les a présentées à payer des dépens de 3 000$. Les questions qui se posaient en première instance étaient les suivantes :
« [116]     Il faut donc y aller avec grande prudence pour, entre autre chose, ne pas entraver le travail régulier des avocats, ne pas décourager la prise de procédures légitimes, même si leur mérite juridique n’est pas assuré, bref, permettre l’exercice des droits sans la crainte d’une surveillance tatillonne et inopportune.
 [117]     Avons-nous ici, pour adapter les propos de la juge L’Heureux-Dubé à nos dossiers, dans une optique d’ordre et d’efficacité, une procédure frivole qui dénote un abus grave du système judiciaire?  Dans l’affirmative, est-ce un accident de parcours ou une stratégie de propos délibéré qui fait partie d’une culture propre à la pratique du droit d’un procureur et qu’on peut voir aussi dans des actes similaires.
[…]
[120]     Faut-il rejeter les procédures avec dépens? Oui.  Quel est le montant à retenir? Inspirons-nous au départ du tarif en matière civile pour la même procédure, tarif suggéré par le Tarif des honoraires judiciaires des avocats, soit la somme de 500 $ par requête (art. 38 et 25 du Tarif), pour un total de 6 000 $.
[121]     Faut-il être conciliant et mitiger?  Oui, même s’il ne s’agit pas d’un accident de parcours et qu’il faut dénoncer une culture brouillonne, une somme de 3 000 $ devrait suffire pour atteindre cet objectif.
[122]     Qui doit payer cette somme? Surtout pas les accusés qui déjà, je l’imagine, doivent acquitter des honoraires importants pour leur procureur.  Seul Me Robert Jodoin est condamné à payer cette somme au Contentieux du Directeur des poursuites criminelles et pénales. »

Moral damages for defamation

Practitioners often have to warn their clients that the rules which apply in Quebec and in the United States are different where defamation is concerned (amongst other matters!).
 
For example, a person can commit a fault in Quebec even if the information they circulate is true, which is not the case in the U.S. where only false statements are  condemned Under the law of defamation. 
 
In Québec, a person must act in a reasonable manner (art. 1457 C.C.Q.), as a man of ordinary prudence. This means that one cannot circulate true information with intent to harm. As the Supreme Court indicated in Prud'homme v. Prud'homme, 2002 SCC 85 (citing Jean-Louis Baudouin and Patrice Deslauriers) :
 
"[35] […] the wrongful act may derive from two types of conduct, one malicious and the other merely negligent:
 
[translation]  The first is an act in which the defendant, knowingly, in bad faith, with intent to harm, attacks the reputation of the victim and tries to ridicule or humiliate him or her, expose the victim to the hatred or contempt of the public or a group.  The second results from conduct in which there is no intent to harm, but in which the defendant has nonetheless interfered with the reputation of the victim through the defendant’s temerity, negligence, impertinence or carelessness.  Both kinds of conduct constitute a civil fault and entitle the victim to reparation, and there is no difference between them in terms of the right.  In other words, we must refer to the ordinary rules of civil liability and resolutely abandon the false idea that defamation is only the result of an act of bad faith where there was intent to harm."
This significant difference, as well as the "full compensation" (but no more) principle that applies in Québec affect the quantum of damages awarded by the courts. We should not expect outlandish awards like those granted by American jurys in "libel" or "slander" cases, that are abundently publicized in the media.
 
In Québec, moral damages granted for an attack on one's reputation varies greatly, depending on the facts of each case. As the Court of Appeal stated in  Métromédia CMR Montréal inc. v. Johnson, 2006 QCCA 132:
"[98] The evaluation of moral damages where defamation is concerned is difficult, because it pertains to compensating an attack on one's reputation, repairing humiliation, despise, hate or ridicule caused by the reprehensible statements. The gravity of the conduct, its voluntary rather than impolite nature, the fact that the statements were reiterated during the proceedings, a large circulation of the statements, the condition of the parties, are amongst the elements that will increase the award [...]"
 [OUR TRANSLATION]
Baudouin and Deslauriers (in Responsabilité civile) report the following criteria which much be considered:
  • the gravity of the conduct
  • the intention of the defendant
  • the circulation of the defamatory statements;
  • the condition of the parties;
  • the effect the defamation has had on the victim and his entourage;
  • the duration of the conduct;
  • Apologies or disavowal.
 
Individuals
 
Obviously, the cases where the moral damages awarded were the highest were those where the attacks on the victim's reputation had been particularly vicious and were largely circulated:
 
These cases should be seen as representing the maximum amount one can get on the spectrum of possibilities, as far as the quantum in defamation cases is concerned. They are exceptional cases and are not representative of the amounts one typicially would get, which more likely will vary between a nominal amount and $50 000, depending on the facts of the case.
 
Consideration should also be given to the fact that the jurisprudence has Evolved since the abovementioned decisions were rendered. Medias have taken an ever increasing part in our lives, and jurisprudence has adapted accordingly. 
 
For exemple, courts now distinguish between defamation and insults, and they take more and more into consideration the role played by the person who made the defamatory statements, because this role influences the audience that hears the defamatory statements being made. A gradation must be made in fault and damages depending on whether the wrongful statements were made by a journalist reporting information as if it was "fact", and commentary (editorials, debates, radio call-in programs, caricature, satire, etc.). 
 
The Court of Appeal applied these distinctions in Genex Communications inc. v. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, amongst others, where it recognized that the statements made by "excessive" commentators are not taken as seriously by the people who hear them and therefore do not affect the reputation of the victim as badly.
 
Also, the fact that a person is in the public eye now tends to minimize the amounts of damages that are awarded. As the Court of Appeal noted in Proulx v. Martineau, 2015 QCCA 472 :
 
"[31] Even though the fact that someone is in the public eye does not grant everyone else a license to attack his reputation and his honor, it is also estblished that ublic personnalities must show a higher tolerance as a result of their public engagements which inevitably expose them to critiques, mockery and satire, which our Court has previously recognized as a risk of the trade. Justice LeBel also mentioned the following in WIC Radio: [OUR TRANSLATION]
[75] People who voluntarily take part in debates on matters of public interest must expect a reaction from the public.  Indeed, public response will often be one of the goals of self‑expression.  In the context of such debates (and at the risk of mixing metaphors), public figures are expected to have a thick skin and not to be too quick to cry foul when the discussion becomes heated.  This is not to say that harm to one’s reputation is the necessary price of being a public figure.  Rather, it means that what may harm a private individual’s reputation may not damage that of a figure about whom more is known and who may have had ample opportunity to express his or her own contrary views."
As we saw in Chenail v. Lavigne, 2011 QCCA 862, for example, where the mayor of a small town was granted $50,000 in first instance following the circulation of false statements regarding a supposed conflict of interests, but where the amount was reduced to $7,500 by the Court of Appeal.

Legal persons
 
A Superior Court decision rendered in 2013 summarizes well the prevailing approach where legal persons are concerned. In  BCOMC Canada inc. v. Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, 2013 QCCS 3, the trial judge mentioned that:
 
"[156] We must specify that our courts have been particularly prudent when awarding moral damages to a legal person because their right to reputation had been violated."

Indeed, the Court of Appeal surveyed the jurisprudence regarding awards to legal persons in Voltec Ltée v. CJMF FM Ltée, [2002] R.R.A. 1078 (C.A.), Fondation québécoise du cancer c. Patenaude2006 QCCA 1554 and Genex Communications inc. v. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, and found that the trend was to award between $10,000 and $25,000 in reparation for he moral prejudice suffered by legal persons in matters of defamation.
 
Considering that these decisions are still being followed today (see, for example, Garderie Loulou de Marieville inc. v. Lavigne, 2015 QCCS 100, one should not expect to recover enormous amounts under this head of damages.
 
Comments
 
Arguments can be made to increase the traditionally low quantum of damages, and ensure "full compensation". Namely, one could plead that these amounts should be indexed, just as the maximum amounts which can be granted for bodily injury (as decided by the Supreme Court) are indexed.  Why not do the same in matters pertaining to defamation?
 
Also, one can claim pecuniary damages, subject to them being supported by the evidence. And let's not forget the possibility of claiming punitive damages, which can represent a substantial amount if the criteria set out at article 1621 C.C.Q. require it.
 
That said, we should always remember that everyone is held to mitigate their damages at all times!

Les dommages moraux en matière de diffamation


Les praticiens doivent souvent mettre en garde leurs clients quant au fait que des règles différentes s'appliquent au Québec et aux États-Unis en matière de diffamation (entre autres domaines!).
 
Par exemple, une personne peut commettre une faute au Québec même si l'information qu'elle diffuse est vraie, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis où seules les affirmations qui sont fausses sont sanctionnées par le droit de la diffamation.
 
Au Québec, une personne est tenue d'agir de façon raisonnable (art. 1457 C.c.Q.), comme un "bon père de famille". Ceci implique qu'elle ne puisse pas diffuser de l'information vraie dans le but de nuire. Tel que rapporté par la Cour suprême du Canada dans Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85 (citant les auteurs Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, dans leur traité de la Responsabilité civile) :
 
"[35] […] la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente:
 La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire."
Cette différence significative de même que le principe de réparation intégrale qui s'applique au Québec ont des répercussions concrètes sur le quantum de dommages moraux accordés par les tribunaux québécois. Ainsi, il ne faut pas s'attendre à recevoir des montants faramineux comme ceux octroyés par les jurys américains dans les cas de "libel" ou de "slander", qui sont abondamment véhiculés par les médias.
 
Au Québec, les dommages moraux accordés aux personnes qui ont subi un préjudice en raison de l'atteinte à leur réputation varient grandement selon les faits de chaque dossier. Comme le disait la Cour d'appel dans Métromédia CMR Montréal inc. c. Johnson, 2006 QCCA 132:
"[98] L’évaluation du préjudice moral en matière de diffamation présente des difficultés car il s’agit de compenser l’atteinte à la réputation, de réparer l’humiliation, le mépris, la haine ou le ridicule générés par les propos répréhensibles. La gravité de l’acte, son caractère volontaire plutôt qu’impoli, le fait de réitérer les propos pendant l’instance, une diffusion large de ceux-ci, la condition des parties sont autant d’éléments qui pourront alourdir la condamnation. [...]"
Les auteurs Baudouin et Deslauriers (dans leur traité de la Responsabilité civile) rapportent quant à eux la liste suivante de critères à considérer:
  • la gravité de l’acte
  • l’intention de l’auteur
  • la diffusion de la diffamation;
  • la condition des parties;
  • la portée de la diffamation sur la victime et son entourage;
  • la durée de l’atteinte;
  • les excuses ou la rétractation.
 
Personnes physiques
 
Il va sans dire que les dossiers où les dommages accordés sont les plus élevés sont ceux où les attaques à la réputation avaient été particulièrement vicieuses et avaient obtenu une très grande diffusion.
 
Ces dossiers devraient être considérés comme représentant le maximum du spectre du quantum envisageable pour les dommages moraux en matière de diffamation. Ils sont des cas d'exception et ne sont pas représentatifs des montants généralement octroyés, qui varient plutôt entre une somme nominale et 50 000$, selon les faits particuliers de chaque dossier.
 
Il faut aussi être conscients que la jurisprudence a évolué depuis que les décisions citées ci-dessus ont été rendues. Les médias prennent de plus en plus de place dans nos vies, et la jurisprudence tend à s'adapter en conséquence.
 
Par exemple, les tribunaux distinguent la diffamation de l'injure, et prennent de plus en plus en considération la fonction de la personne qui tient les propos diffamatoires, car cela influe sur le pouvoir de ses paroles dans l'esprit de ceux qui les entendent. Il faut donc faire une gradation dans la faute et les dommages accordés selon que les propos attentatoires ont été prononcés dans un reportage journalistique qui présente les informations comme étant des "faits" et le commentaire d'évènements (éditorial, émission-débat radiophonique, tribune radiophonique, caricature, émission satirique). 
 
La Cour d'appel appliquait notamment ces distinctions dans Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, où elle reconnaissait entre autres que les propos de commentateurs "excessifs" sont souvent moins pris au sérieux par les personnes qui les entendent et affectent donc moins la réputation des personnes au coeur de ces propos.
 
De plus, le fait d'être une personnalité publique tend désormais à faire diminuer le quantum des dommages accordés. Comme la Cour d'appel le soulignait récemment dans Proulx c. Martineau, 2015 QCCA 472 :
 
"[31] Par ailleurs, si le fait qu’une personne choisit de participer à la vie publique ne confère pas de licence pour porter atteinte à sa réputation et à son honneur, il est aussi établi que les personnalités publiques doivent démontrer un niveau de tolérance plus élevé en raison de leur engagement public qui les expose inévitablement à la critique, aux plaisanteries et à la satire, que notre Cour a déjà qualifié de « risques du métier ». Le juge LeBel signalait d’ailleurs ce qui suit dans l’affaire WIC Radio :
[75] Les personnes qui participent aux débats sur des questions d’intérêt public doivent s’attendre à une réaction de la part du public. D’ailleurs, l’exercice du droit à la libre expression vise souvent à laisser place aux réactions du public. Dans le contexte de tels débats (et au risque d’associer plusieurs métaphores), on s’attend à ce que les personnages publics n’aient pas l’épiderme trop sensible et qu’ils ne crient pas facilement au scandale lorsque le débat s’enflamme.Je ne suggère pas que l’atteinte à la réputation doive être la rançon nécessaire d’une participation à la vie publique. Il s’agit plutôt de reconnaître que ce qui peut nuire à la réputation d’un simple citoyen n’aura pas nécessairement le même effet sur celle d’une personnalité mieux connue et qui a sans doute eu de nombreuses occasions d’exprimer une opinion contraire."
On peut voir, par exemple, Chenail c. Lavigne, 2011 QCCA 862, où la mairesse d'une petite municipalité s'est vue accorder 50 000$ en première instance à la suite de la diffusion de fausses allégations concernant un prétendu conflit d'intérêts, somme ensuite réduite à 7 000$ par la Cour d'appel.

Personnes morales
 
Une décision de la Cour supérieure rendue en 2013 (BCOMC Canada inc. c. Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, 2013 QCCS 3) résume bien la situation qui prévaut en ce qui a trait aux dommages moraux accordés aux personnes morales en matière de diffamation:
 
"[156] Il faut préciser que nos tribunaux se sont montrés particulièrement prudents lorsqu’il s’agit d’accorder des dommages pour perte de réputation à une personne morale."
En effet, du côté des personnes morales, la Cour d'appel a survolé la jurisprudence et a constaté dans Voltec Ltée c. CJMF FM Ltée, [2002] R.R.A. 1078 (C.A.), Fondation québécoise du cancer c. Patenaude2006 QCCA 1554 et Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, que la tendance était d'octroyer entre 10 000$ et 25 000$ en réparation du préjudice moral subi par les personnes morales en matière de diffamation. 
 
Ces arrêts étant toujours appliqués de nos jours (voir par exemple Garderie Loulou de Marieville inc. c. Lavigne, 2015 QCCS 100, il ne faut pas s'attendre à récupérer d'énormes sommes sous ce chef de dommages.
 
Commentaires
 
Il y aurait sans doute des arguments à faire valoir pour tenter de faire augmenter les quantums traditionnels, en vue d'assurer une réparation intégrale. Entre autres, il est acquis qu'on doive indexer le plafond fixé par la Cour suprême en matière de dommages moraux liés à un préjudice corporel. Pourquoi ne pas faire pareil en matière de diffamation?
 
Par ailleurs, il restera toujours la possibilité de réclamer des dommages pécuniaires, sujet à ce qu'ils soient prouvés. N'oublions pas également la possibilité de réclamer des dommages exemplaires, qui peuvent représenter un montant substantiel si les critères de l'article 1621 C.c.Q. l'exigent.
 
Cela dit, il ne faut pas oublier de mitiger ses dommages dans tous les cas!
 
 
 
 
 
 

Discrimination at a disco

In Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse v. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577, the Court of Appeal was seized with a discrimination complaint which had been rejected by the Human Rights Tribunal. The question at issue was to determine whether a blind person could attend all of the areas of a discotheque while accompanied by his guide dog. The Court responded affirmatively in this case, since it concluded (with one judge dissenting) that no real attempt was made to accomodate the plaintiff and it was not proven that there was a "serious or excessive" risk that the safety of other clients would be jeopardized unless the paintiff was confined to the VIP section (exclusion and isolation). The Court considered that the testimony provided regarding the fact that inebriated clients could trip in the dark was impressionistic. The paintiff obtained $2500 in moral damages.
 
On a very anecdotal level, we should gather from this decision that courts cannot take judicial notice of the quality of services offered in various sections of a discotheque, and that proof thereof ust be made:
 
"[32]      Finally, his conclusion that services offered in the VIP booths were of Superior quality than those offered in the main area of the discotheque is the result of an extrapolation that is not supported by evidence. Radio Lounge did not prove the condition of these VIP booths, nor the services that were offered there."
[OUR TRANSLATION] 

Discrimination dans une discothèque

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577, la Cour d'appel devait trancher une plainte en discrimination qui avait d'abord été rejetée par le Tribunal des droits de la personne. Il s'agissait de déterminer si une personne aveugle peut fréquenter toutes les sections d'une discothèque en étant accompagnée de son chien guide. La réponse est affirmative dans ce cas, puisque la Cour conclut (avec dissidence) qu’aucune véritable mesure d’accommodement n’a été sérieusement été envisagée et qu'il n'a pas été prouvé qu'il y avait un risque "grave ou excessif" pour la sécurité des autres clients justifiant que le demandeur soit confiné à la seule section VIP (mesure d'exclusion et d'isolement).  Les juges majoritaires ont retenu que le témoignage au sujet du fait que des clients en état d'ébriété pouvaient être à risque de chute dans le noir était impressionniste. Le demandeur a obtenu 2500$ en dommages moraux.

Sur une note plus anecdotique, on devrait aussi conclure de cette décision que les tribunaux n'ont pas connaissance d'office de la qualité de service qu'offrent les différentes sections d'une discothèque, et qu'il faut donc en faire la preuve:
 
"[32] Enfin, sa conclusion selon laquelle les services offerts dans les loges de la section V.I.P. étaient de qualité supérieure à ceux offerts dans la section principale de la discothèque est le fruit d’une extrapolation non soutenue par la preuve. Radio Lounge n’a en effet aucunement prouvé l'état de ces loges V.I.P., non plus que les services qui y étaient offerts."
 
 

Class actions: Participation of the defendants in the notice to class members

In Union des consommateurs c. Air Canada, 2015 QCCS 753, the Superior Court was seized with the issue of defining the contents of the notice to class members and its publicization, after a class action had been authorized (airfare fees not included in the price listed on the transporter's internet site). The plaintiff had formulated many claims seeking to force the participation of the defendant to allow for a better organization of the class action. The decision contains interesting excerpts regarding the use of the defendant's logo, the transmission of the notice via email, the costs of translation of the notice and the obligation to conserve/communicate information regarding the members of the group.
 
The Court first states that Union des consommateurs should not use the defendant's logo in the notice to members and that it is not necessary to write its name in capital letters [paras. 9-15].
 
The Court grants plaintiff's request to have the defendant transmit the notice to its clients via email [paras. 16-27]:
"[24] If Air Canada forwards the purchased ticket via email, it is plausible that information going back to the period between 2010 and 2012 is still accessible to Air Canada.
[25] The notice to class members often constitutes the only means of communicating the information regarding the action instituted on their behalf, which are crucial to preserve individual rights. At the authorization stage, this information will first and foremost allow the individuals who which to exclude themselves from the group to do so.
[26] The publication of notices in newspapers is good. But is there really a more efficient way to communicate the information than an email adressed by Air Canada to the people who purchased a ticket during the limited period of the class action as authorized? The Court does not think so.
[27] Hence, the Court will allow this mode of publicization proposed by the Union des consommateurs."
[OUR TRANSLATION.]

The Court concludes, however, that the plaintiff must support the costs of translation of the notice, as these will be part of the judicial fees which will be granted upon final adjudication of the class action[paras. 28-33].
 
Lastly, the Court accepts plaintiff's request to order that the defendant conserve the relevant data allowing for identification of class members, but does not accept that this information should be communicated to the plaintiff at this stage, as Union des consommateurs had requested [paras. 43-41].
"[40][...] The class action was just authorized by the Court of Appeal, the notice to class members have not been published and the members who wish to exclude themselves have not had a chance to do so. In light of this, Union des consommateurs' request to communicate this data to the group's attorneys seems premature, since the individuals who do not want to be represented by them have not had the opportunity to express this position by excluding themselves."
[OUR TRANSLATION.]